Des cartes optiques pour révéler l’invisible

Spécialiste des lasers et des transitions de phase, Eric Freysz a mis en oeuvre la propriété de molécules à changer de couleur sous l’effet d’une modification de leur environnement pour créer des détecteurs de lumière laser dans l’infrarouge.

A priori, le profil d’Eric Freysz, directeur de recherche CNRS au laboratoire Ondes et matière d’Aquitaine - LOMA (CNRS-Université de Bordeaux), est celui d’un physicien adepte des questions fondamentales. Spécialiste du développement de sources laser, il les utilise notamment pour des travaux en
optique non linéaire ou pour étudier la physique des transitions de phase.

Dans ce cadre, en collaboration avec un groupe de chimistes de l’Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux - ICMCB (CNRS), il s’intéresse en particulier depuis une quinzaine d’années à une famille de molécules qui changent de couleur sous l’effet d’une modification de la température, de lapression ou de la lumière. « Notre intérêt était de comprendre les phénomènes microscopiques à l’origine de ce changement de couleur », précise Eric Freysz.

Jusqu’à ce que le chercheur et ses collègues modifient leur manière de voir la chose. Précisément, si la chaleur engendrée par un rayon laser induit un changement de couleur de leurs molécules, à l’inverse, ce changement peut se faire le témoin de la présence d’un rayon laser lorsque la longueur d’onde d’émission de celui-ci se situe en dehors du spectre de la lumière visible. Ce que les physiciens vérifient en 2012 avant de déposer un brevet.

De fait, l’idée n’a rien d’un gadget. De nombreux scientifiques à travers le monde utilisent des dispositifs pour positionner correctement les éléments optiques d’expériences utilisant de la lumière laser « invisible », notamment dans l’infrarouge. Si ce n’est que ces détecteurs, la plupart à base de semiconducteurs, sont coûteux et souvent difficiles à mettre en oeuvre. A l’inverse des dispositifs à changement de couleur imaginés par le chercheur. « Il suffit de positionner un écran en papier imprégné de nos molécules sur la trajectoire d’un faisceau pour révéler sa présence », précise-t-il. Une fois la preuve de concept apportée, Eric Freysz, en collaboration avec la SATT Aquitaine et avec l’aide de Benoit Philippeau, ingénieur d’étude, s’est alors attelé à transformer ses cartes optiques en un produit prêt à la vente: optimisation du dispositif en seuil de détection d’intensité et en contraste coloré, vérification de sa conformité aux normes, élaboration d’un procédé de fabrication, tests auprès d’industriels… jusqu’à l’étude des marchés potentiels.

Le procédé de fabrication a ensuite été transféré à la PME nouvellement créée OliKrom qui gère également la commercialisation des cartes via le catalogue de grands groupes spécialisés dans le matériel optique. Preuve qu’intérêt pour les questions fondamentales et innovation vont de paire !

Mathieu Grousson

 

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