Faire tourner une molécule-engrenage avec une molécule-moteur

Actu INP (Institut de Physique du CNRS)

Septembre 2015

Pour la première fois, des physiciens ont entrainé un nanoengrenage constitué d’une unique molécule d’un nanomètre de diamètre à l’aide d’un nanomoteur électrique constitué lui aussi d’une seule molécule et alimenté en énergie par la pointe d’un microscope à effet tunnel.
Durant les quinze dernières années, physiciens et chimistes ont réalisé des engrenages et des moteurs nanométriques en synthétisant des molécules plates susceptibles d’être mises en rotation par une action mécanique ou électrique. Réalisés indépendamment, ces éléments n’avaient pas encore été associés. C’est ce que vient de réaliser pour la première fois une équipe francojaponaise associant des chercheurs du CEMES-CNRS (Toulouse- France) et MANA-NIMS (Tsukuba- Japon) en actionnant une molécule-rotor d’un nanomètre de diamètre à l’aide d’une molécule motrice identique alimentée électriquement par courant tunnel. Outre la performance expérimentale, ce travail démontre que l’énergie récupérée par la molécule motrice lors de son excitation électronique permet de mettre en mouvement une molécule-engrenage.

Ce travail est publié dans la revue NanoLetters. Les chercheurs ont tout d’abord conçu une molécule à partir d’un triglycéride simple, le methoxycarbonylphenyl, et 3 pieds moléculaires, des 3,5-dit-butylphenyl, soulevant la molécule de la surface d’or sur laquelle elle est ensuite déposée. L’intérêt de cette molécule est qu’elle peut à la fois faire office de moteur et de rotor passif. La suite de l’expérience se déroule alors sur une surface d’or à très basse température (4.7 K) et dans l’ultra vide. Pour réaliser le dispositif, les chercheurs placent un exemplaire de cette molécule audessus d’un défaut atomique de la surface d’or qui empêche tout déplacement  sur la surface d’or et fait office d’axe de rotation. Lorsqu’une seconde molécule s’approche, celle-ci s’attache à la première ; c’est cette seconde molécule qui fera office de moteur. À l’aide d’un microscope à effet tunnel, les chercheurs localisent alors un couple de molécules et placent la pointe de ce microscope au-dessus de la molécule motrice. C’est cette pointe qui transmet de l’énergie à la molécule motrice : sa tension d’alimentation est portée à une tension positive d’environ 1,8 Volt ce qui permet d’entrer en résonance avec les premiers états excités électroniques du moteur. À chaque excitation, la molécule motrice a alors une grande probabilité (58%) de tourner d’un angle entre 10° et 20° dans le sens direct. En retournant la molécule-moteur par rapport à une des extrémités de la molécule-rotor par manipulation avec la pointe du microscope à effet tunnel, il est possible de changer le sens de rotation du moteur. Les chercheurs vont maintenant chercher à mesurer le travail mécanique fourni par une molécule-moteur et l’optimiser afin de mettre en rotation non plus une seule molécule, mais tout un train d’engrenages moléculaires.

 

En savoir plus 

Current-Driven Supramolecular Motor with In Situ Surface Chiral Directionality Switching, P. Mishra1, J. P. Hill1, S. Vijayaraghavan1, W. Van Rossom1, S. Yoshizawa1, M. Grisolia2, J. Echeverria2, T. Ono3, K. Ariga1, T. Nakayama1, C. Joachim1,2 et T. Uchihashi1, NanoLetters 15, 4793 (2015)

 

Contact chercheur : 

Christian Joachim, directeur de recherche CNRS

 

Informations complémentaires : 

1 International Center for Materials Nanoarchitectonics (MANA), National Institute for Materials Science, Tsukuba, Japan
2 Centre d’Elaboration des Matériaux et d’Etudes Structurales (CEMES) et MANA Satellite
3 Institute for Chemical Research, Kyoto University, Japan

www.cnrs.fr/inp/

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