Une conférence organisée par la Société Française de Physique et la Bibliothèque nationale de France
Les principes désignent ce qui est premier, fondamental, ce qui explique mais n’a pas besoin d’être expliqué. Dès lors, il pourrait sembler paradoxal de vouloir mettre en question les principes. Toutefois, la science n’a-t-elle justement pas vocation à tout questionner ? Et jusqu’à ses propres fondements ? Etymologiquement, le principe est apparenté au « princeps », celui qui est placé en premier, autrement dit le « Prince », celui qui commande, mais la science est précisément cette instance qui ne peut accepter « par principe » d’autre autorité que la raison. Elle ne peut donc admettre que les principes qu’elle se donne, ou plus exactement qu’elle ne peut pas faire autrement que se donner pour expliquer la Nature.
La science ne tolère que des principes explicatifs, qui se justifient par l’intelligibilité qui en découle, bien plus que par l’évidence première qui est censée les caractériser. Car ce qui est découvert en premier et paraissait évident se révèle souvent questionnable. Ses principes sont peut-être ce que la science découvre en dernier, après coup, par récurrence. Au cours de son histoire, on l’observe donc changer de principes plutôt que renoncer à connaître et à expliquer. Ainsi le principe aristotélicien « la nature a horreur du vide » céda-t-il la place à de nouveaux principes physico-mathématiques avec l’avènement de la physique classique. Et le fameux « principe de causalité », fondement de toute explication, ne se métamorphose-t-il pas quand l’explication physique devient statistique, ou indéterministe, voire contrefactuelle ? Les questions de principes sont bien une interrogation fondamentale pour la physique et les autres sciences : qu’appelle-t-on « principe » dans chaque discipline ? Est-ce la même chose qu’un axiome ou une loi fondamentale ? Leur rôle est-il déterminant ou simplement régulateur ? S’ils sont inconditionnels, pourquoi est-on parfois amené à en changer ? Et s’ils ne le sont pas, a-t-on vraiment besoin de principes ou peut-on s’en passer ?
Pour nous guider dans cette délicate remontée vers la raison des principes, nous nous tournerons d’abord vers la philosophie des sciences. Le mathématicien et philosophe Ferdinand Gonseth, fondateur (en 1949) de l’Union internationale de logique, de méthodologie et de philosophie des sciences, a identifié quatre principes de la science : les principes de révisibilité, de dualité, de technicité, et de solidarité. Le premier est synonyme d’ouverture à l’expérience : il signifie que toute connaissance peut être révisée en fonction des exigences d’une nouvelle information. Le quatrième stipule quant à lui que les connaissances acquises par les différentes sciences doivent tendre à la cohérence. La pertinence de cette analyse est indéniable, pour les sciences prises dans leur généralité, mais elle prend acte, d’une part, de l’absence de dogme en science et, d’autre part, de la diversité des disciplines et donc de la pluralité, voire de l’éventuelle hétérogénéité de leurs principes.
La physique relativiste propose déjà plusieurs excellents candidats au rôle principiel : le principe d’inertie, dégagé par Galilée et clarifié par Descartes ; le principe de relativité, là encore dégagé par Galilée, puis nommé par Poincaré et amplifié au sein de la relativité restreinte d’Einstein ; sa mise en relation avec le principe d’équivalence au sein de la relativité générale ; les principes de conservation, dont la correspondance avec les symétries fondamentales a si clairement été démontrée par Noether. La mécanique quantique, qui ne se définit pourtant pas comme une théorie principielle mais plutôt à partir d’une axiomatique plus limitée, a elle aussi engendré le célèbre principe d’indétermination de Heisenberg (qui est plutôt un théorème) et le principe d’exclusion de Pauli (qui ne s’applique qu’aux fermions). Par ailleurs, la mécanique quantique a renoncé à des principes qui s’appliquaient au reste de la physique : les phénomènes d’intrication, par exemple, en démontrant la solidarité entre certains systèmes quantiques éloignés, ont exercé une action corrosive sur le principe de « séparabilité ».
Le risque de confusion entre principes, axiomes et théorèmes, invite à convier les mathématiques à cette entreprise d’élucidation du sens des principes. toutefois, on le constate, le débat est intense et fécond, rien que dans les frontières de la science physique. Reste que les autres sciences naturelles ou sociales ont aussi à se positionner vis-à-vis des principes : le principe de Curie (« toute symétrie d’une cause se retrouve dans son effet ») est-il encore valable dans la chimie étudiant la chiralité ? Le droit romain est la source de « principes » du droit, mais quel est leur statut et à quoi servent-ils ? Voici des questions de principes qui méritent d’être mentionnées. D’ailleurs, toute science doit-elle avoir des principes ? La biologie évolutionniste peut-elle encore revendiquer des principes quand l’être humain intervient presque à sa guise sur le génome ? Faute de pouvoir aborder toutes ces questions, nous avons décidé d’ouvrir le débat avec le champ de la biophysique et des biotechnologies : y a-t-il des principes du vivant et quels principes éthiques s’imposent du fait de travailler sur le vivant ?
Alors, si vous souhaitez en connaître davantage sur les principes de la physique, et plus généralement des sciences et de l’éthique scientifique, il faut venir assister à la dix-neuvième rencontre « Physique et Interrogations Fondamentales », c’est une question de principe !
Organisées par la Société Française de Physique et la Bibliothèque nationale de France, les Rencontres de Physique et Interrogations Fondamentales sont l‘occasion pour des spécialistes de formation très différentes de confronter leurs points de vue sur un thème lié aux grandes questions de la science contemporaine. Elles se situent à un niveau permettant à un public cultivé mais non spécialisé de suivre les exposés.
La prochaine édition se tiendra le 15 novembre 2025 à la BnF
Accessible en ligne :
La journée sera accessible en direct depuis la chaîne Youtube de la BnF
9h30 Ouverture par la BnF et la SFP (Gilles Pécout, président de la BnF / Elisabeth Giacobino, présidente de la SFP)
10h Introduction par Pierre-Marie Pouget (président de l’Association Ferdinand Gonseth) : Les principes à faire valoir dans la recherche scientifique
10h55 Intermède vidéo
11h Yves Gingras (historien et sociologue des sciences, professeur à l’Université du Québec à Montréal (UQAM)) : La physique et le principe de raison suffisante
11h55 Intermède vidéo
Déjeuner libre
Séance de dédicaces
14h Camille Bonvin (cosmologiste, professeure associée à l’Université de Genève) : Principes de relativité et d'équivalence : pourquoi le temps n’est pas absolu
14h40 Intermède vidéo
14h45 Sylvie Benzoni-Gavage (mathématicienne, professoresse à l’Université Claude Bernard Lyon 1) : Principe de conservation et symétries
15h25 Intermède vidéo
15h30 Etienne Klein (physicien, directeur de recherche au CEA) : Quand un principe finit par céder
16h40 Intermède vidéo
16h45 Jean-Christophe Pagès (médecin biologiste, professeur Université Toulouse III Paul Sabatier, président du Comité d'expertise des utilisations confinées d'OGM (CEUCO)) : Principes en biologie et en éthique
17h30 Fin
Article posté le 05/05/2025