Goutte ou pont ? Quelle forme prend l’eau dans des fibres humides ?

Actualité INP - Institut de Physique du CNRS

Aout 2015

Dans un matériau fibreux l’eau se loge de préférence entre deux fibres voisines, soit sous forme de goutte, soit sous forme d’une longue colonne. Des physicien·ne·s ont déterminé les paramètres qui déterminent cette morphologie : le volume d’eau, l’angle entre les fibres et leur distance. La manière selon laquelle l’eau se répartit dans un milieu granulaire ou fibreux influe de manière importante de nombreuses propriétés telles que la vitesse de séchage ou la résistance mécanique. Dans un milieu granulaire, tel le sable, l’eau forme entre les grains des ponts capillaires tous semblables les uns aux autres.

Ce n’est pas le cas dans les matériaux fibreux : une goutte de liquide déposée entre deux fibres peut soit garder la forme d’une goutte quasisphérique, soit s’étendre entre les fibres pour former une longue et mince colonne ou encore adopter une morphologie mixte avec une goutte se prolongeant d’un côté en une colonne. Une collaboration entre des physiciens du laboratoire Surface du Verre et Interfaces — SVI (CNRS/Saint-Gobain), de l’Université Princeton (USA) et de NYU School of Engineering (USA) a mis en évidence que la morphologie adoptée par le liquide est contrôlée par trois paramètres clés : la quantité de liquide sur les fibres, l’orientation des fibres et la distance minimale entre elles. Des expériences et une modélisation théorique leur ont permis de déterminer les régions dans l’espace de ces paramètres correspondant aux trois morphologies. Ces résultats intéressent tout autant la science des matériaux, notamment de construction, que les industries cosmétique et pharmaceutique qui impliquent d’autres matières fibreuses telles que les cheveux. Ces résultats sont publiés dans la revue European Physical Journal E

Pour ce travail, les chercheurs ont utilisé comme fibre des fils de pêche en nylon de quelques centaines de microns de diamètre. Avec une micropipette, ils ont placé un petit volume d’huile silicone sur les fibres et ont observé comment celui-ci s’organisait, en faisant varier l’orientation et la distance entre les fibres. Ils ont ainsi visualisé la morphologie finale du liquide afin de mettre en évidence les différents états. Fort de ces observations, l’influence des paramètres a pu être identifiée et un modèle analytique reposant sur des considérations géométriques et énergétiques a été développé pour expliquer quantitativement ou qualitativement les observations. A petits angles (inférieurs à 8°), le fluide prend une forme de colonne, une morphologie privilégiée pour une petite quantité de liquide et une petite distance entre fibres. Pour les grands angles (supérieurs à 35°), seule la forme de goutte est présente tandis que pour les angles intermédiaires, on observe soit la goutte, soit la morphologie mixte. Ainsi, en modifiant la structure d’un milieu fibreux, par exemple en le cisaillant, ce qui diminue l’angle entre les fibres, il est possible de contrôler la morphologie adoptée par le fluide et les propriétés du matériau. Les chercheurs s’attachent maintenant à mettre en évidence l’influence des différentes morphologies sur la cohésion du matériau.

 

En savoir plus :

Wetting morphologies on randomly oriented fibers, A. Sauret, F. Boulogne, B.Soh, E.Dressaire et H.A. Stone. European Physical Journal E (2015)

Retrouvez la publication sur la base d'archives ouvertes HAL.

 

Contact chercheur :

 Alban Sauret, chargé de recherche CNRS

www.cnrs.fr/inp/

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