Comment la cellule aspire-t-elle sa propre membrane vers l’intérieur ?

Institut de physique - mars 2015

La cage de clathrine enserre la membrane cellulaire au cours de l’endocytose 
Copyright : Aurélien Roux

Une collaboration entre un physicien théoricien du CNRS et des chercheurs du département de Biochimie de l’Université de Genève éclaire d’un jour neuf le phénomène de l’endocytose, ce cycle biologique qui se déroule au niveau de la membrane et aboutit à la formation des compartiments de transport nécessaires aux échanges avec l’extérieur. Cette étude est publiée dans la revue Nature Communications.

La biologie de la cellule comporte encore des mystères. L’endocytose notamment, ce processus biologique qui rend possibles les échanges entre la cellule et son environnement, ne fait pas l’objet d’une explication univoque. 

 

Au cours de ce processus, la membrane cellulaire des organismes eucaryotes se déforme pour bourgeonner et s’invaginer, jusqu’à créer une vésicule de transport des éléments —ions, nutriments, signaux…— nécessaires à leur vie. Ce processus est engendré par la protéine clathrine, qui forme au contact de la paroi de la cellule un échafaudage à la structure caractéristique de ballon de football. Deux hypothèses prévalent pour expliquer comment ce processus induit la formation de vésicules de transport sphériques permettant le bourgeonnement de la paroi vers l’intérieur. Soit la clathrine forme tout d’abord un assemblage plan au contact de la membrane qui se déformera ensuite pour créer les vésicules, soit la clathrine s’assemble directement sous forme sphérique.

Afin d’élucider l’action de la clathrine, Martin Lenz, physicien théoricien du Laboratoire de physique théorique et modèles statistiques - LPTMS (CNRS/Univ. Paris-Sud), s’est associé à des chercheurs du département de biochimie de l’Université de Genève. L’échelle de taille très petite à laquelle se déroule ce phénomène rendant impossible l’observation directe sa dynamique, les chercheurs ont réalisé des mesures mécaniques indirectes et les ont analysées au moyen de modèles physiques afin de discriminer les deux hypothèses. L’équipe suisse a pour cela expérimentalement reconstitué la membrane de la cellule, dont les propriétés particulières et fascinantes font un terrain de recherche infini. Sa plasticité et son élasticité rappellent la peau humaine. Sa fluidité et sa malléabilité la rapprocheraient plutôt de la bulle de savon. Étanche et auto cicatrisante, l’enveloppe cellulaire garantit, enfin, l’intégrité de la cellule eucaryote. En manipulant mécaniquement des échantillons de membrane micrométriques soumis à l’action de la clathrine, les chercheurs ont pu observer que l’assemblage de la protéine dépend fortement de la tension et de la composition de la membrane. Afin de reconstruire une image cohérente des processus à l’oeuvre, Martin Lenz a ensuite élaboré des modèles mathématiques qui ont démontré que les observations ne pouvaient être expliquées qu’en supposant que la clathrine forme toujours des structures courbées. Cette étude leur a de plus permis de démontrer que l’interaction de sa rigidité avec celle de la paroi de la cellule pourrait être essentielle pour comprendre le déclenchement de son bourgeonnement. L’apport de la physique est donc crucial pour approcher la biologie d’un ensemble aussi complexe de lipides, sucres et protéines. C’est du reste une approche pluridisciplinaire que privilégie ces chercheurs, pour qui « la biologie cellulaire connaît une révolution méthodologique : l’aspect quantitatif y joue un rôle prépondérant et les mathématiques ou la physique font émerger de nouveaux modèles qui remettent en cause les hypothèses du passé ».

Partager cet article